ARCHEOLOGIE à PENNE D'AGENAIS

par

Jean-François GARNIER,

archéologue,directeur du Musée d'EYSSES de Villeneuve-sur-Lot


Plusieurs découvertes archéologiques attestent de l'importance du peuplement de l'actuel territoire communal depuis l'Antiquité, en particulier à Magnac dans la vallée du Boudouyssou : sur le site, occupé durant le haut Moyen Age, est implantée une église, matrice de la paroisse de Penne. Au Moyen Age, ce territoire compte 8 églises paroissiales dont 2 avec prieuré, une église annexe intra-muros à Penne, ainsi qu'un couvent de franciscains. Le "castrum", attesté dès le 11e siècle, à la tête d'une vaste châtellenie et d'un bailliage au 13e siècle, est assiégé en 1212 durant la Croisade albigeoise, puis à plusieurs reprises pendant la guerre de Cent Ans, enfin en 1562 durant les guerres de Religion. Une seconde agglomération s'est développée dès le Moyen Age au contact d'un port sur le Lot. La commune de Penne-d'Agenais a été démembrée des sections de Trentels en 1839 et de Saint-Sylvestre en 1853.Population communale : 2520 habitants en 1876 ; 2535 habitants en 1896 ; 2099 habitants en 1968 ; 2167 en 1982 ; 2394 habitants en 1990 ; 2330 en 1999. 
4 sites sont inscrits sur la commune : l'ensemble formé par le vieux moulin de Port-de-Penne (détruit lors de la construction du barrage de Villeneuve en 1969) et ses abords a été inscrit le 13 novembre 1942 ; le site du vieux pont et moulin de Payssel a été inscrit le 2 décembre 1942 ; l'église d'Allemans avec son cimetière, autrefois ombragé de "magnifiques platanes", a été inscrit le 13 janvier 1947 ; le site du Rocail, "caractéristique de la fin du plateau du Quercy Blanc", a été inscrit le 19 mai 1981.  (s.mcc)

Plateau de Ferracap

par Jean-François GARNIER 

Traces ROMAINES plateau du Roi

par Jean-François GARNIER 

Traces romaines

par Jean-François GARNIER

Tombes Eglise de MERCADIEL

par Jean-François GARNIER

 

Fouille archéologique de la Maison DUCROS

par Jean-François GARNIER

 

Decouverte d'un Puits rue de la MYRE-MORY

par Jean-François GARNIER

 

Découverte aussi de sépultures lors des travaux de la rue de la Myre-Mory, tombes jumelles collectives datant du XIVe siècle.

 

Tombes médiévales

par Jean-François GARNIER

Voici les photos des deux sépultures jumelles en briques de la rue de la Myre Morie.

L'une est effondrée, l'autre a conservé sa couverture (vue dans l'intérieur).

 

Datation: XIV ème siècle.Elles occupent une partie de la chaussée apportant la preuve que cette rue a d'abord été un cimetière avant d'être transformée en rue après le Moyen Age.

Jean-François GARNIER

 

Traces ROMAINE 2

Jean-François GARNIER

 

Céramique glaçurée médiévale à Penne-d'Agenais 1977

par Jean-François GARNIER

 

Jacques CLEMENS*

CÉRAMIQUE GLAÇURÉE MÉDIÉVALE

A PENNE-D'AGENAIS*

voir :http://www.persee.fr/doc/anami_0003-4398_1977_num_89_131_1660#anami_0003-4398_1977_num_89_131_T1_0017_0000

 

Penne-d'Agenais est bâti en nid d'aigle à 180 mètres d'altitude contre le flanc d'une colline qui commande le confluent du Lot et du Boudouyssou. Ce bourg du Lot-et-Garonne possède une histoire événementielle fort mouvementée en raison de sa situation1 et de son site2. Son histoire religieuse, avec l'ancien centre de pèlerinage de Notre-Dame de Peyragude, n'est pas moins riche. Ainsi « ce n'est pas trop dire que la ville de Penne-d'Agenais est imprégnée d'histoire; les souvenirs y abondent à ce point qu'il n'est de fouilles ou de travaux qui ne ramènent au jour quelque trace de son passé mouvementé et guerrier »3.

Depuis le XIXe siècle, de nombreuses découvertes médiévales ont été effectuées sur le site de Penne4. Mais la plupart des fouilles ont été menées sans méthode et n'ont fait l'objet que de mentions très sommaires dans les journaux ou dans les revues locales. A la suite de récents travaux de rénovation de l'habitat dans la région de Villeneuve-sur^Lot, de nombreux silos dépotoirs ont été détruits et leur remplissage a été dilapidé. Cependant quelques opérations de sauvetage ont pu être réalisées5 notamment celles de M. Flies et de M. Jerebzoff qui ont bien voulu nous confier l'étude du matériel glaçuré, objet de cette note.

•La complexité du décor des vases découverts à Penne-d'Agenais a rendu indispensable l'application des normes du dessin industriel

 

* Assistant à l'Université de Bordeaux III. .1. Commune de l'air, de Villeneuve-suriot, Lot-et-Garonne. Dès 1211, Penne « était comme la tête et la clef de tout le territoire d'Agenais » pour Pierre des Vaux-deCernay, Histoire albigeoise, traduite par Pascal Guebin et Henri Maison- neuve, Paris, 11951, p. 127. 2. En 1562, Monluc présentait Penne comme « une place forte et d'assiette et de structure », Commentaires de Biaise de Monluc... édités par Paul Courteault, t. H, Paris, 1913, p. 507. 3. J.^P. Trabut^Cussac, « Une maison forte du Moyen âge à Penne-d'Agenais », dans Revue de l'Agenais, 1962, p. 179. 4. Voir J. Clemens, « La Belle Epoque de l'archéologie agenaise », dans Revue de l'Agenais, 1975, p. 199. 5. Nous remercions M. Alexandre Jerebzoff, d'Agen, et M. Garnier, de Ville- neuve-sur-Lot, pour tous les renseignements et objets qu'ils nous ont fournis, et, plus particulièrement, M. Patrick Flies, de Penne-d'Agenais, qui nous a confié pour étude les vases qu'il avait découverts.

 

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(méthode européenne), même s'il a fallu parfois les adapter*. Ainsi, les vues des vases ou de leurs fragments ont été disposées sur les planches suivant ces normes. Cependant, dans certains cas, on a dû tenir compte de la position normale de l'objet pour faciliter sa lecture et son identification dans la disposition de la coupe (pi. IV fig. 11, 13). Les figures se regroupent en trois catégories selon le nombre de vues. Lorsque le vase est entier, la disposition utilisée est classique : une vue de face et une vue de dessus lorsque c'est nécessaire. La vue de face est mixte. Elle combine une demi-vue extérieure et une demi-coupe. La demi-coupe est disposée à gauche de la demi- vue extérieure (pi. I fig. 1). Lorsque le fragment de vase n'est pas assez important pour permettre une restitution de sa forme complète, trois vues ont été réalisées : vue de face, vue de droite en coupe et vue de dessus (pi. II fig. 3 et 4, pi. V fig. 17, 18). De même pour un fragment de panse décorée extérieurement, trois vues ont été jugées nécessaires pour indiquer le décor et la sphéricité (pi. IV fig. 16). Parfois deux vues ont été seulement retenues : en particulier vue de face et vue de droite en coupe.

Les flèches sur les vues de face perpendiculaires à l'axe de symétrie indiquent les sens d'observation de la coupe. La coupe peut se faire suivant deux plans sécants parallèles. Mais aucune modification des hachures ne montre le changement de plan sécant pour faciliter la lecture de la coupe (pi. IV, fig. 14, 15). 'La nervure du vase n'a pas été coupée quand le plan sécant est parallèle à ses grandes faces (pi. V fig. 17). Les traits interrompus prolongeant une coupe indiquent les cassures (pi. III fig. 7). Dans la coupe, on a parfois indiqué par un trait fort le profil général du vase qui ne pouvait pas être indiqué par ailleurs (pi. I fig. 1). En outre lorsque la cassure du vase est située sur un plan perpendiculaire à l'axe de symétrie de la vue de face, le «plan de cassure» a été assimilé à un plan sécant. La « surface de cassure » a donc la même représentation qu'une coupe (pi. V fig. 17 et 18).

 

Les traits de dessin sont de deux types : d'une part les traits continus qui marquent ce qui existe au moment de l'observation et ce que l'observateur a pu voir à partir du point d'observation choisi. Les traits interrompus indiquent des lignes restituées ou fictives. Les gros traits noirs (pi. I fig. 1 et 2), les points (pi. I fig. 3) et les taches noires (pi. II fig. 4 et 5) signalent les dessins en creux sur le vase. Le trait continu fin correspond à des arêtes fictives (pi. V fig. 12) qui limitent de légers reliefs ou des cassures (pi. II fig. 5). L'axe de symétrie est représenté par un trait mixte moyen. Le trait interrompu court moyen marque le contour du vase avant la cassure (pi. I fig. 1). L'utilisation de la trame a été réservée au décor peint ou glaçuré. L'absence de trame indique que la vue d'un vase ne révèle qu'une couleur. Les trames montrent la diversité et la disposition des

 

(3) CÉRAMIQUE GLAÇURÉE MÉDIÉVALE 7

couleurs particulières. Les dessins ont donc été par nécessité normalisés dans la disposition des vues, dans la conception de la coupe, dans l'utilisation des traits et des trames. Cependant le tracé du dessin reflète en général les maladresses ou les irrégularités de la morphologie ou du décor du vase médiéval tout en permettant de saisir rapidement ses caractéristiques essentielles.

Outre leur richesse artistique, les vases découverts à Penne-d'Agenais ou dans ses environs sont fort précieux par les éléments de datation qu'ils présentent. En effet, si le « silo-dépotoir » n° 1 (S. G. 1 ) ou le « cache-dépotoir » découverts dans Penne même par M. Flies7 n'ont pas livré d'indices permettant de proposer une datation précise, le silo-dépotoir voisin n° 2 a fourni une dizaine de monnaies médiévales dont la plupart ont été émises au xiip siècle. Les monnaies recueillies incitent à dater l'abandon et le comblement du silo de la fin du XIVe siècle8. Le mortier* glaçuré à décor de têtes couronnées (pi. II fig. 3) a été recueilli par M. A. Jerebzoff dans un silo au cours de travaux à la maison de retraite de Penne. Ce vase était accompagné d'un denier d'Edouard I". Le jet du vase peut être daté du début du xiv« siècle. 'Le fragment de mortier glaçuré à masque humain (pi. II fig. 4) a été trouvé à la suite de l'arasement partiel de la motte de Miramont (comm. de Lagarrigue), château qui a été détruit pendant la guerre de Cent ans10. Ainsi l'emplacement des découvertes et surtout les monnaies médiévales qui les accompagnaient, permettaient de dater l'abandon, sinon l'utilisation, des vases « hautement décorés » de Penne-d'Agenais ou de ses environs du xrv siècle.

Quelle région a pu produire cette catégorie de vases à la fabrication assez complexe, alors que les maladresses de détail semblent indiquer une fabrication rapide et massive ? Il n'y a pas, semble-t-il, de similitude totale avec les productions médiévales des sites sain- tongeais étudiés par M. Chapelot11. La céramique de Penne-d'Agenais est caractérisée par une pâte rose pour le corps des vases et d'argile

 

6. Les dessins ont été exécutés sous ma direction par M. J.-P. Duran, dans le cadre des activités du Centre de recherches sur l'Occupation du sol. 7. M. Flies prépare la publication des structures archéologiques qu'il a fouillées. 8. Une des monnaies a été attribuée à Richard II 01377-1399). 9. Pour la définition du «mortier » médiéval, voir P. David et G. Gabet, « La poterie médiévale saintongeaise », dans Archéologie médiévale, t. II, 1972, pp. 221- 232. 10. Ce château fut ruiné en 134546 (Arch. dép. Lot-et-Garonne, 3J, Fonds Durengues, Dossier Bazens, p. 70). Après cette destruction, il ne subsista qu'une juridiction distincte jusqu'en 1789, d'après G. Tholin, Abrégé de l'histoire des communes du département de Lot-et-Garonne, Auch, 1900, p. 100. 11. Voir le catalogue de l'exposition du Musée national des arts et traditions populaires. Potiers de Saintonge, huit siècles d'artisanat rural, Paris, 1975, p. 58 et plus particulièrement les mortiers tronconiques glaçurés à € décor très exubérant » dont la datation médiévale et la fabrication saintongeaise sont vraisemblables, pp. 63 et 64.

 

 

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blanche pour les engobes. De plus, les formes ouvertes sont très fréquentes. S'agit-il de productions d'établissements saintongeais encore non-identifiés, ou d'ateliers plus méridionaux, bordelais ou agenais ? Seules des découvertes de fours et de leurs productions au Moyen- Age en Aquitaine pourront permettre de proposer une attribution plus certaine de ces vases de la région de Penne.

Dans l'immédiat, les découvertes de Penne révèlent certaines transformations de la « culture matérielle » agenaise au xrv* siècle. Dans cet échantillonnage de céramique glaçurée, les formes ouvertes et en particulier les mortiers sont en grand nombre. Ce phénomène marque, semble-t-il, un changement important dans les usages de table ou dans les habitudes alimentaires. Les mortiers de même que les plats creux et les raviers n'ont pas servi à la cuisson d'aliments. Le bec versoir du mortier ne peut être utilisé que pour verser des liquides assez épais. Le mortier a dû jouer à partir de la fin du xiii* siècle dams les milieux aristocratiques ou bourgeois un rôle similaire à celui de l'actuelle soupière. Cette céramique serait avant tout destinée au service de table et à sa décoration. Les motifs de décoration (têtes couronnées, blason schématique, fleur de lis) marquent l'enracinement dans les mentalités aquitaines des idées de noblesse et de royauté ou du moins l'aspiration à un genre de vie aristocratique ou princier. L'utilisation et la diffusion de la céramique « hautement décorée », résultat d'une véritable recherche •« monumentale », est a priori déconcertante dans un Occident atteint par les crises de la fin du MoyenAAge12.

Outre l'aspect méthodologique et graphique sur lequel nous avons voulu mettre l'accent pour présenter cette céramique décorée du xrv* siècle un peu insolite, ces quelques découvertes devraient, avec d'autres, nous inciter à chercher une réponse à la question qui préoccupe les historiens de l'économie de la Gascogne médiévale : comment la céramique dite saintongeaise aurait-elle été privilégiée pour l'exportation en Angleterre18 alors que la majeure partie des flottes du vin passait par Bordeaux et non par La Rochelle ; ne faudrait-il pas chercher d'autres provenances en liaison plus directe avec l'ar- rière-pays du grand marché aquitain ?

12. Histoire de l'Aquitaine, sous ia direction de Ch. Higounet, Toulouse, 1971, pp. 211-231. 13. Potiers de Saintonge..., pp. 119 et 120.glaçurés à € décor très exubérant » dont la datation médiévale et la fabrication saintongeaise sont vraisemblables, pp. 63 et 64.